SYNOPSIS

Un groupe d’humanitaires est en mission dans une zone en guerre : Sophie, nouvelle recrue, veut absolument aider ; Mambru, désabusé, veut juste rentrer chez lui ; Katya, voulait Mambru ; Damir veut que le conflit se termine ; et B ne sait pas ce qu’il veut.

Dans le chaos laissé par la guerre qui déchira l’ex Yougolsavie dans les années 90, un groupe d’humanitaires se lance dans une course contre la montre pour trouver une corde et extraire le corps d’un homme jeté dans un puits, probablement pour contaminer l’une des rares sources d’eau auxquelles ont accès les réfugiés.

Depuis son premier film, Fernando Leon de Aranoa a la même démarche: partir du quotidien de ses personnages, de la « petite histoire », pour traiter de sujets particulièrement sensibles dans la société espagnole comme la paupérisation des classes moyennes, le chômage, l’immigration, la prostitution, en utilisant notamment l’humour dans le souci de ne jamais tomber dans le pathos. Pour parler du travail de ces humanitaires à l’issue d’un conflit qui fit des centaines de milliers de morts, l’approche choisie par Fernando Leon de Aranoa est pour le moins originale.

De par son rythme, ses ressorts comiques, ses personnages et leurs rapports entre eux, A perfect day est construit avant tout comme un film de groupe (plus qu’un film choral), entre la pure comédie policière et le film de guerre. Mambrù (Benicio Del Toro) est un humanitaire très professionnel qui connait le terrain comme personne et qui entame sa dernière semaine de travail avant sa retraite. Usé et même désabusé par ses années sur le terrain, il est le pilier du groupe, celui qui sait gérer les caractères et états d’âme de ses collègues et parfaitement composer entre les règles et le pragmatisme qu’impose la situation. B (Tim Robbins) est une tête brûlée, très débrouillard, véritable machine à blagues qui dédramatise tout par l’humour.

Accro à la décharge d’adrénaline que lui procure quotidiennement son travail, il est celui qui saura toujours se sortir des situations les plus compliquées. On en sait très peu sur lui, sa vie semblant se limiter à ces missions. Sophie (Mélanie Thierry) est charmante et transparente à la fois en petite candide qui arrive dans une équipe de vieux routiers. Elle se retrouve dans la position du jeune policier/militaire qui, venant de sortir de l’académie se fait bizuter par ses collègues qui s’amusent de sa naïveté, de son idéalisme et de ses rappels incessants au règlement et à la loi. Katya (Olga Kurylenko) est « l’administrative » qui est envoyée sur le terrain pour évaluer le travail de ses collègues et dont le rapport décidera de la poursuite de leur mission.

Enfin, Damir (Fedja Stukan) est le « régional de l’étape », celui qui a été touché personnellement par les horreurs de cette guerre et se met au service des ces humanitaires, leur servant à la fois de guide et d’interprète. Il est le side-kick parfait dont le sang froid et la connaissance de la langue mais aussi des mentalités et coutumes locales facilite grandement le travail du groupe.

Si les personnages féminins sont un peu en retrait, comme coincées et limitées par leur « fonction » dans le récit, Benicio Del Toro et Tim Robbins sont excellents et Fedja Stukan est une révélation. En reposant sur des personnages aussi archétypaux voire fonctionnels et en condensant son récit sur 24 heures, A Perfect day diverti et fait souvent sourire mais atteint rapidement ses limites, ne parvenant pas à changer de braquet et à émouvoir. Le rire finit par devenir un peu mécanique et la petite vanne trop prévisible.

La « formule » apparaît, trop systématique, ce rire ne venant pas des tripes de personnages cherchant à surmonter l’horreur mais apparaissant comme un trait de caractère qui finit par lasser. En clair, on est loin de Kusturica, de l’âme de cette région et des habitants que croisent ces humanitaires et ce rire apparaît de fait comme une forme de facilité, bien que l’on ne doute pas de l’intégrité du réalisateur et de son empathie pour le sujet et ses personnages. Il est juste dommage d’avoir parfois l’impression d’être devant The A-Team plutôt que A Perfect Day.

De même le rythme trépident de la mise en scène, l’utilisation d’une bande son rock sont très efficaces en terme de divertissement pur et justifiés pour traduire « l’urgence » de ces missions, l’impossibilité de se poser même après avoir vu des choses insoutenables.

Ce parti pris pose néanmoins problème dans plusieurs scènes où il aurait été sans doute préférable de « lever le pied » pour laisser un peu de place à l’émotion.

Il devient franchement embarrassant et même dérangeant au cours d’une scène particulièrement dure, parasitée de façon au minimum extrêmement maladroite par l’utilisation de la reprise de Sweet Dreams par Marylin Manson puis par l’absence de pause, le film reprenant son rythme et les vannes fusant à nouveau. Force est de reconnaître que cela semble fonctionner sur le public alors que l’on est pourtant encore en train de penser à la scène précédente et bien incapable de rire. Ces réserves mises de côté, peut être dues à la sensibilité de chacun et à l’admiration que l’on peut éprouver pour un cinéaste comme Kusturica, il n’en demeure pas moins que A Perfect Day est un film assez attachant, efficacement mis en scène et qu’il mérite le déplacement ne serait-ce que pour les excellentes interprétations de Tim Robbins et Benicio del Toro. Par ailleurs, il est à mettre au crédit de Fernando Leon de Aranoa d’avoir su conclure de très belle façon son récit, avec une sensibilité et une forme de poésie qui lui avaient fait défaut jusque là.